Un Merveilleux Noël à l’Ivoirienne – Volet 2
Mardi 25 décembre
« Levez-vous les filles, il est 9.00 et tout le monde prend le petit dej »… ma mère me sort de mes rêves… mmmm…
J’émerge difficilement de mon sommeil.
Encore fatiguée, écrasée par l’alcool de la veille et par la chaleur… ou la clim ?
Je laisse ma cousine se réveiller et vais faire ma toilette.
Nous sommes dans ce que j’appelle la maison de la plage, et je me brosse les dents dans la salle de douche, en serviette, après une douche à l’eau chaude parfumée à la goyave, s’il vous plait.
Je me remémore cet endroit que j’aimais tant il y a seulement quinze ans.
Avant, il y avait sur ce terrain, un cabanon ravissant, en bois et en chaume… nous avions la pompe à eau au seau et la douche se trouvait à l’emplacement de la cabane actuelle du gardien.
De la pelouse est apparue soudainement lorsque mon père a décrété qu’il n’aimait pas le sable, tout comme la maison en dur pour lui épargner des crises d’asthme…
Voilà, il y a donc deux chambres, une salle de douche avec toilettes séparées, les murs sont peints … très moderne tout ça… croyez le… il y a même la télévision à écran plat et le câble…
Sans commentaire.
Le cabanon de mon enfance reste selon moi un bien meilleur souvenir, rustique, irrésistible et réconfortant. Faudra bien m’y faire, mes parents sont seuls depuis des années que nous sommes partis à l’étranger…. Ils vivent donc selon leurs envies et leurs exigences en matière de confort ont évolué dirons-nous.
Lorsque je sors prendre mon petit dej en famille, le tableau est irrésistible : mes oncles et tantes discutent tranquillement devant un brunch local improvisé, mes cousines servent de DJ… et de meneuses de ballets…
« Joyeux Noël ! ».
La musique de Meiway démarre, et nous avec.
Comme le veut la tradition akan nous prenons tous et toutes un mouchoir que nous agitions au rythme de la musique sur laquelle nous avons grandi.
Meiway, c’est notre Jean-Jacques Goldman. Notre chanteur populaire, aimé des ivoiriens… nos souvenirs…
La ronde commence, les petites en tête… nous dansons tous ensemble… les meilleurs « phases » de danseurs non repentis ressortent comme par magie… bah oui, c’est « Noël ou bien.. ? »
Entre les éclats de rire et les effusions… ce petit éclat de danse reste un des meilleurs moments de mon séjour.
Le brunch s’étale en longueur… on distribue les cadeaux… les petits s’extasient à la découverte de leurs jouets, les plus grands découvrent un livre ou un parfum… des bijoux, des disques ou même des dvd.
Cette matinée était décidément très agréable. Moi qui suis peu sociale pour ne pas dire carrément très sauvage, je suis touchée par ce moment de rassemblement familial avec les frères de mon père et leur famille.
Cela n’aurait pas été pareil sans eux… c’est vrai.
Après quoi nous allons à la plage piquer une tête dans l’eau à température ambiante… nous prenons des couleurs à jouer ainsi au soleil… ou à encourager mon oncle qui entreprend la sculpture peu engageante de mon père sur le sable…
Toutes les raisons sont bonnes pour se taquiner, pour partager des blagues à se tordre de rire… ou à regarder des humoristes sur notre très joli « écran plat » d’Assinie*.
Pour midi, des douceurs locales au feu de feu de bois, de la charcuterie, de la bûche, ou encore du gâteau au chocolat… et un débat animé sur un thème d’actualité… on échange, abat ses arguments comme des cartes, pouffe sur les réparties …. Une famille joyeuse, et colorée.
Je digère mon vin sur mon transat et tente de lire un peu… c’est un échec. Je suis éclatée de fatigue, et je ne tiens toujours pas l’alcool.
En fin d’après-midi, une partie du groupe se sépare. Les oncles rentrent sur Abidjan car ils travaillent le lendemain.
Nous restons avec les cousines du Niger de maman. Et l’ambiance ne se trouve absolument pas entachée, à Niamey aussi on sait se marrer.
Quelle n’est pas ma (très bonne) surprise de découvrir le chéri de ma fidèle copine de lycée débarquer une planche sous le bras….
Ils sont logés dans une très belle paillotte juste à côté et il a eu envie de marcher … persuadé que nous étions là nous aussi et qu’il pourrait ainsi venir nous saluer.
Mes parents sont ravis et moi tout autant.
Nous sommes amis avec Mr G depuis… laissez-moi compter… depuis 15 ou 16 ans.
Nous décidons d’aller les rejoindre pour dire un bonjour aux parents de mon amie.
De nouvelles effusions, de nouveau rires.
Ils repartent eux aussi ce soir car ils travaillent demain… faut croire que tout le monde n’est pas en vacances.
Bon, la soirée se passe bien ma foi.
Nous mangeons moins cependant et regardons sur ledit câble un film qui a fait u tabac l’an dernier sur une amitié entre un jeune de banlieue et homme très riche qui se trouve être coincé dans un fauteuil.
Je commence à avoir sommeil à nouveau.
Je m’endors vers 23.00 dans ma chambre, malgré la coupure d’électricité et du fait l’absence de clim.
Je refuse d’aller dormir dehors… trop sonnée pour trainer mon matelas jusque sur la plage.
Je range mes affaires, mon appareil photo qui vaut une fortune et qui trainait là… nonchalamment posé sur un des fauteuils de la terrasse.
Nous dormons à poing fermé lorsque le chien « soukouya » (chien des lagunes… non racé) du gardien se met à aboyer et à grogner avec une insistance peu particulière.
Le gardien se lève et compte les chaises, et les affaires. Il tourne un peu et se recouche.
Le chien aboie encore. Ma cousine se lève.
« fais gaffe qu’il ne te prenne pas pour un steak » … un avertissement que je lui donne du fond de mes rêves. Elle se recouche à son tour.
Mon sommeil est très lourd.
J’entends une autre de mes cousines de Niamey crier et battre des mains : « au voleur au voleur ! ».
Branlebas de combat : tout le monde est debout.
Le gardien part en courant avec un bâton suivit de ma cousine, alerte et rapide comme une flèche. Dois-je vraiment préciser qu’ils reviendront bredouilles et frustrés ?
Apparemment, c’est un sac appartenant à maman qui a été dérobé.
Du shampoing, du savon, du maquillage… bref une trousse de toilette… et malheureusement un peu de liquide qu’elle a éparpillé dans ses affaires.
Ma mère prétend que ce n’est pas grand-chose.
On est bien réveillés maintenant. Il est plus de 04.00 du matin.
C’est ainsi que nous avons une partie, très amusante cela dit de l’évènement.
Ma tante, ma cousine et ses petits dormaient comme nous tous dans la chambre attenante à la nôtre, et mes parents s’étaient déplacés de l’autre côté, plus au « vent » pour avoir moins chaud.
Le fils de ma cousine a une toux nerveuse qui ce soir l’empêchait de dormir.
Lorsque le chien a aboyé, sa mère s’est levé, et nous explique avoir effectivement vu Antoine, le gardien compter ses chaises (il y avait ce soir-là bien plus à emporter que des chaises en plastiques… mais consciencieux le malheureux tentait de faire son job), elle n’a rien vu de spécial et se recouche, comme tous les autres.
Mon père quitte les toilettes et retourne aussi au lit.
Dix minutes s’écoulent.
Elle sent une tape dans le dos.
Le petit bonhomme d’une dizaine d’années lui demande alors dans un souffle :
« - maman est ce qu’un chien peut me regarder par la fenêtre ?
- non mon fils. Dit-elle en se retournant pour lui faire face, avant de lui demander : Pourquoi dis-tu cela ?
- parce que j’ai vu un long nez me fixer un moment
- quand c’était ?
- là, tout de suite ».
Elle bondit hors du lit et regarde par la fenêtre et ne voit rien. Elle recule et patiente deux minute avant de jeter à nouveau un œil dehors…
Là elle voit quelqu’un penché en avant…. Pourquoi Antoine se courberait-il pour marcher ? pourquoi aurait-il un sac noir à la main…. (Elle nous imite la scène qui, il faut bien l’avouer était très comique, malgré la situation… tout le monde éclate de rire).
Puis elle comprend et cherche la lumière…. En claquant dans ses mains pour faire du bruit agacée de en pas savoir où se trouve l’interrupteur…
« Au voleur ! (clap clap) … au voleur !) ».
Et sa mère qui se moque en l’imitant telle une danseuse de flamenco… il faut croire que l’africain rit peu importe la situation !
Résignés… le type est parti, tout en noir nous dit-elle, avec comme une tâche blanche sur le tee-shirt … il peut être planqué n’importe où… c’est mort on ne le chopera pas… On se recouche donc tous.
Au matin, j’entends du bruit et encore de l’agitation, donc je me lève vers 08.30, et laisse miss dormir.
Dehors je retrouve maman qui m’explique que la police a retrouvé le voleur présumé.
Une casquette noire (le long nez), les fringues noires et le t-s noire avec un dessin blanc, tout comme selon la description de ma cousine.
Sauf qu’il faisait nuit, et qu’il était baissé, elle n’a pas vu son visage et doute de sa taille car elle l’a vu détaler le long du mur. Impossible de jurer donc que c’est lui.
Il sourit.
Elle a un doute.
Puis les flics de la plage le ramènent le long de la clôture et elle apprécie alors sa taille.
Tata c’est lui. Même taille, même description.
On rappelle donc la police qui lui remet les menottes et le conduit à leur campement.
Je demande à ma mère comment ils ont fait si vite…
Ici à Assinie, il n’y a que les gens qui possèdent des villas ou des cabanons ou les villageois qui vivent de leurs rentes et qui nous protègent quand il y a du grabuge.
Il n’y a jamais rien eu de volé en quinze ans m’explique-t-elle, mais les libanais s’établissent de plus en plus et ont beaucoup d’argent… ils font venir de la main d’œuvre de l’extérieur… il y a donc de plus en plus de larcins.
C’est ainsi qu’en cette période de fêtes, les flics sillonnent la plage et savent qui est qui.
Ils ont recensé tous les nouveaux travailleurs, et ont vu ce type traîner hier sur la plage.
Ils ont croisé Antoine qui était parti à sa recherche armé d’une machette et l’ont questionné.
Sur la description du bon gardien, ils sont tout naturellement allés vers la case du malfrat convaincus que c’était lui, ils l’ont fouillée mais n’ont pas trouvé le sac… alors ils nous l’ont ramené pour une identification.
Nous sommes bien trop honnêtes pour jurer que c’était lui car nous n’avons pas vu ses traits… mais nous avons tout de même fait une déposition.
Le gars est resté avec la police, le temps de sa garde à vue… afin qu’il soit « interrogé » par les officiers.
Je le plains, il a dû passer un sale quart d’heure…. Non, je ne le plains pas. Je l’aurais bien secoué moi aussi.
La journée s’est déroulée ensuite tranquillement…Alternance entre bronzage et baignade... jusqu’à ce que nous partions du cabanon vers 19.00, décidés à revenir pour mon dernier weekend avec mes potes et mes cousines… le rottweiler de mon frère nous accompagnera la fois prochaine… si je le prends comme une grosse peluche, je n’oublie qu’il est très sournois avec les étrangers la nuit, et que c’est un excellent gardien, silencieux et efficace… il ne lui aurait fait aucune pitié s’il avait été là hier soir.
C'était un beau séjour, et nous avons réussi à vivre toutes ces aventures en 48h quand même...
Nous avons même réussi à crever un pneu sur le pont à Abidjan, et un monsieur très serviable est spontanément descendu de sa voiture pour nous aider et a changé la roue…
Il reste des personnes gentilles et non intéressées sur cette terre.
Voilà.
Nous sommes rentrés, douchés et … couchés bien entendu.
Le Noël le plus mouvementé et le plus fun que j’aie vécu en des années.
Petit frère c’était très bien, c’est vrai, mais les jolis moments ne sont pas aussi beaux quand tu n’es pas là. Tu m’as beaucoup manqué, je prie pour toi. Je t’aime et suis très fière de l’homme que tu deviens. Il serait peut-être temps que j’arrête de t’appeler Petit-Homme désormais.
Des bisous.
J’espère que vous aussi avez eu un très joli Noël.
Je vous embrasse, merci de me lire encore et toujours.
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